Marchands d'esclaves de Gorée au XVIIIe siècle

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Source : Jacques Grasset de Saint-Sauveur, in l' Encyclopédie des voyages publiée à Paris en 1795-1796, bibliothèque des Arts décoratifs, Paris.

 

    Né à Montréal en avril 1757 - au début de la guerre de Sept Ans – Jacques Grasset de Saint-Sauveur alla habiter en France après la conquête de la Nouvelle-France par les Britanniques. Il étudia au Collège Sainte-Barbe à Paris, puis embrassa la carrière diplomatique. Vice-consul de France en Hongrie pendant de nombreuses années, il fut par la suite consul au Caire. Il mourut à Paris en mai 1810. Aquafortiste, dessinateur et écrivain, Grasset de Saint-Sauveur fut un polygraphe prolifique, conforme à l'esprit encyclopédiste du 18e siècle. Auteur de romans exotiques, il a aussi produit nombre d'ouvrages documentaires sur des sujets variés dont cette encyclopédie en cinq volumes qui contient un abrégé historique «de tous les peuples» avec « la collection complète de leurs habillements civils, militaires, religieux et dignitaires, dessinés d'après nature, gravés avec soin, et coloriés à l'aquarelle». Au total, pas moins de 432 planches en couleur, exécutées par l'auteur lui-même.

    Cette image, à la composition sommaire, montre quatre personnages : au premier plan, deux négriers, un Africain armé d'une lance et fumant la pipe et un Européen habillé à la mode de la fin du 18e siècle ; au deuxième plan, deux captifs noirs liés l'un à l'autre par un fer qui leur entrave la cheville. Alors que les deux personnages du premier plan sont vêtus, les captifs n'ont qu'un cache-sexe. La gravure met en scène l'accord entre les deux négriers : l'échange des deux captifs contre des marchandises posées sur le sol. Comme pour la gravure extraite du livre d'Ohier de Grandpré, le visage des captifs est inexpressif.

    L'île de Gorée située face à Dakar est devenue un des symboles de la traite transatlantique, un « lieu de mémoire ». Elle est inscrite depuis 1978 à l'inventaire du patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO (cf. visite virtuelle de la « maison des esclaves de Gorée sur le site de l'UNESCO). Compte tenu de sa petite taille (800 m sur 200), elle ne fut pas un site de traite de l'importance de ceux de l'Angola, du Congo ou du Bénin. Elle devint en 1677 une possession française. Elle eut un rôle d'escale de ravitaillement et d'entrepôt commercial. Ses maisons les plus anciennes permettent d'évoquer le souvenir de ceux qui ont passé dans leurs cellules leurs derniers jours en Afrique avant de franchir la « porte du voyage sans retour ».

Eric MESNARD