Règlement de police sur la culture et les cultivateurs, à Saint-Domingue en 1794

 


    Etienne Polverel Commissaire civil de la République délégué aux Isles [1]Françaises de l'Amérique sous le Vent pour y rétablir l'ordre et la tranquillité publique.

 

    La liberté des africains vient de créer à Saint-Domingue un mode de culture, inconnu en France, et dont, jusqu'à présent, on n'a pas même soupçonné la possibilité dans les colonies.

    De tous les régimes qu'on pouvait adopter à l'agriculture dans les colonies, l'association des propriétaires et des cultivateurs dans les produits de la terre est donc celui qui réunit le plus d'avantages pour les uns et pour les autres; il rend impossible à jamais le retour à l'ancien esclavage et le passage à la servitude volontaire, il donne à l'égalité la plus grande latitude dont elle soit susceptible chés des peuples civilises, par cette institution, toutes les classes de citoyens ont un intérêt égal à respecter, à protéger les propriétés, et à multiplier les produits de la terre; c'est par elle, et ce n'est peut-être que par elle, qu'on pourra trouver la solution du problème politique qui a jusqu'à présent embarrasser les plus intrépides défenseurs de la liberté et de l'égalité, et qu'on peut réduire à ces termes : organiser une société de manière que l'inégale distribution des richesses nuise le moins possible à la liberté et à l'égalité des citoyens, et que la liberté et l'égalité ne puissent amener ni l'anarchie, ni la dissolution du corps politique.

Etat des personnes à Saint-Domingue

Article Premier

    Il n'y a et il n'y aura désormais à St. Domingue comme en France, que des personnes libres.

Art. II

    Chaque individu pourra bien engager à un autre son temps et ses services; mais il ne pourra ni se vendre, ni être vendu. Sa personne est une propriété inaliénable. La République française n'admet point de servitude.

Art. III

    Les droits de l'homme sont égalité, liberté, sûreté, propriété. Des cultivateurs portionnaires

Art. LXXXXIII

    La faculté de renvoyer un cultivateur portionnaire à la fin de chaque année appartient à l'attelier assemble, et non au propriétaire de l'habitation, ni à l'économe-gérant, ni aux conducteurs, ni au conseil d'administration, ni à aucun des cultivateurs individuellement.

Art. LXXXXIV

Un cultivateur portionnaire ne pourra être renvoyé à la fin de chaque année qu'en vertu d'un arrêté formé par la majorité des suffrages des cultivateurs portionnaires qui composent l'attelier. La majorité sera formée par la moitie plus un.

   L'arrêté de renvoi sera inscrit par l'économe-gérant sur le registre contenant l'état de population des cultivateurs.

Art. LXXXXV

   Les atteliers de cultivateurs portionnaires seront dissous dans les cas suivants.

   Si la majorité des cultivateurs portionnaires refuse d'exécuter une ou plusieurs des conditions prescrites par mes proclamations et règlemens.
Dans le cas prévu par les articles 24 du règlement du 7 du présent mois.
Dans les cas prévus par les articles 28 et 68 du présent titre.
Si l'attelier se trouve réduit à moins de la moitie des cultivateurs effectifs, par la mort ou les infirmités, la retraite volontaire ou le renvoi de la plus grande partie.

Art. C

    Comme il n'y a aucun rapport de subordination entre le propriétaire et le cultivateur portionnaire, qu'ils sont l'égal l'un de l'autre, et que l'inégalité des richesses est la seule qui existe entr'eux, il n'y aura point de loi particulière pour régler leurs différens et réprimer les délits et violences de l'un à l'égard de l'autre. Dans tout ce qui n'est point déterminé par les proclamations et règlements de la commission civile, ils seront jugés par la loi commune à tous les citoyens.


Des cultivateurs à la journée

Article Premier

    Les cultivateurs à la journée seront payés par tous ceux qui les employeront pour la journée ordinaire de travail, au prix fixé par 1'article 26 du règlement du 7 de ce mois pour les journaliers employés par l'administration.

Art. II

    La division de la journée ordinaire de travail faite par l'article 2 du titre 5 du présent règlement pour les cultivateurs portionnaires, aura lieu pour les cultivateurs journaliers. Polvérel    Par le commissaire Civil de la République Daniel Gellée, secrétaire ad hoc de la commission civile.


Source : Cité in Gérard M. LAURENT, Quand les chaînes volent en éclats, imprimerie Henri Deschamps, (sd), p. 242.

 

 

 

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