Soigner le « cheptel humain » et le renouveler, 1784
Extrait d'une lettre du procureur Bayon de Libertat, qui administrait une grande habitation sucrière dite des Manquets (quartier de l'Acul-du-Nord, Saint-Domingue) pour le compte d'un propriétaire absentéiste, le comte Louis-Pantaléon de Noé, lequel vivait en Gascogne (lettre sans lieu ni date, probablement début 1784).
« Vous ne sauriez vous imaginer, monsieur le comte, le ravage que la rougeole a fait dans toute la colonie, il y a peu d'habitations qui n'ait perdu de nègres de cette maladie par les dysenteries qu'elle donnait. J'ai eu 80 nègres vieux ou jeunes attaqués en même temps de ce fléau. J'ai perdu 5 négrillons et point de grand nègre, et en même temps j'avais de la petite vérole par dix et douze à la fois. Il en a passé jusqu'au nombre de 30. J'ai fait une consommation assez considérable de remède et de toute chose et s'il n'y avait pas eu un aussi bon chirurgien sur votre habitation que celui qui y est, certainement vos pertes eussent [été] plus considérables.
[Depuis 1779] « je n'ai pas laissé avec tous les soins de perdre des nègres, on n'en a pas remplacé, et vous savez que ce n'est qu'avec de grands moyens qu'on fait de grands revenus, il vous conviendrait de commencer d'acheter tous les ans au moins huit négrillons ou négrilles de l'âge de 4 ans qui vous coûteront comme pièce d'Inde, par la suite vous vous apercevrez de ce renfort. Si les négriers nous arrivent en abondance je prendrai ce parti là, de même que pour les mulets : vous en avez nombre qui sont sans service ou mal des eaux et c'est une charge pour votre habitation, ils sont mangeurs comme les bons ».
Source : archive reprise par DONNADIEU (Jean-Louis), Un grand seigneur et ses esclaves, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2009.