Edit du roi touchant la police des îles de l'Amérique Françoise, Versailles, mars 1685

 

Extraits [1] de l'édit de Louis XIV touchant la police des îles de l' Amérique Françoise :

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre : à tous, présents et à venir, salut.(...) Nous avons bien voulu faire examiner en notre présence les mémoires qui nous ont été envoyés par nos officiers de nos îles de l'Amérique [2] (...) pour y maintenir la discipline de l'Eglise catholique, apostolique et romaine, pour y régler ce qui concerne l'état et la qualité des esclaves dans nos dites îles (...)

Article 1. (...) enjoignons à tous nos officiers de chasser, de nos dites îles, tous les juifs qui y ont établi leur résidence (...)

Art. 2. Tous les esclaves, qui seront dans nos îles, seront baptisés et instruits dans la religion C. A. et R  [3] (...)

Art. 3. Interdisons tout exercice public, d'autre religion que celui de la religion C. A. et R (...)

Art. 6. Enjoignons à tous nos sujets (...) d'observer les jours de dimanche et fêtes (...) leur défendons de travailler, ni de faire travailler leurs esclaves aux dits jours (...)

Art. 12. Les enfants, qui naîtront des mariages entre les esclaves, seront esclaves, et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves (...)

Art. 15. Défendons aux esclaves de porter aucune arme offensive, ni de gros bâtons, à peine de fouet (...)

Art. 16. Défendons pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres, de s'attrouper le jour ou la nuit, sous prétexte de noces ou autrement, soit chez l'un de leurs maîtres, ou ailleurs (...) à peine de punitions corporelles (...)

Art. 18. Défendons aux esclaves de vendre des cannes à sucre, pour quelque cause, et occasion que ce soit (...) à peine du fouet contre les esclaves (...)

Art. 22. Seront tenus les maîtres, de faire fournir, par chacune semaine, à leurs esclaves âgés de dix ans, et au dessus, pour leur nourriture, deux pots et demi (...) de farine de manioc, ou trois cassaves [4] pesant chacune deux livres et demie, au moins (...)

Art. 23. Leur défendons de donner aux esclaves de l'eau de vie de cannes, ou guildive [5], pour tenir lieu de la substance mentionnée en l'article précédent.

Art. 24. Leur défendons pareillement de se décharger de la nourriture et subsistance de leurs esclaves, en leur permettant de travailler certains jours de la semaine, pour leur compte particulier.

Art. 25. Seront tenus les maîtres de fournir, à chaque esclave, par chacun an, deux habits de toile, ou quatre aunes [6]  de toile, au gré desdits maîtres.

Art. 26. Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par les maîtres selon que nous l'avons ordonné par ces présentes pourront en donner l'avis à notre procureur[7] (...) les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais, ce que nous voulons être observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves.

Art. 27. Les esclaves infirmes par vieillesse, maladie ou autrement, soit que la maladie soit incurable, ou non, seront nourris et entretenus par leurs maîtres (...)

Art. 28. Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs maîtres (...)

Art. 33. L'esclave qui aura frappé son maître, ou la femme de son maître, sa maîtresse, ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants, avec contusion, ou effusion de sang, sera puni de mort.

Art. 35. Les vols qualifiés, même ceux de chevaux, cavales, mulets, bœufs ou vaches, qui auront été faits par les esclaves ou par les affranchis, seront punis de peines afflictives, même de mort si le cas le requiert.

Art. 38. L'esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l'aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées, et sera marqué d'une fleur de lys sur une épaule; s'il récidive, un autre mois, à compter pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d'une fleur de lys, sur l'autre épaule; et la troisième fois, il sera puni de mort.

Art. 42. Pourront seulement les maîtres, lorsqu'ils croiront que leurs esclaves l'auront mérité, les faire enchaîner, et leurs faire battre de verges ou cordes (...)

Art. 55. Les maîtres, âgés de vingt ans, pourront affranchir leurs esclaves (...)

Art. 58. Commandons, aux affranchis, de porter un respect régulier à leurs anciens maîtres, à leurs veuves, et à leurs enfants (...)

Donné à Versailles au mois de mars mil six cent quatre-vingt-cinq, et de notre règne le quarante deuxième.

Signé Louis. Et plus bas, Colbert [8].  Le Tellier




 


Source : Le Code Noir ou edit du roy servant de règlement pour le Gouvernement & l'Administration de [sic Justice & la Police des Isles Francoises de l'Amérique, & pour la Discipline & le Commerce des Nègres & Esclaves dans ledit pays, Donné à Versailles au mois de Mars 1685. Avec l'edit du mois d'août 1685 portant établissement d'un Conseil Souverain & de quatre Sieges Royaux dans la Coste de l'Isle de S. Domingue, A Paris, chez la Veuve Saugrain, 1718.]

 

1.
Edit : texte de loi rédigé sous l'autorité du roi. 
2.
Il s'agit des représentants de l'administration royale dans îles antillaises qui étaient alors dominées par la France : la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Christophe (aujourd'hui Saint-Kitts). 
3.
C.A et R. : Catholique, Apostolique et Romaine. 
4.
Cassave : Galette de farine de manioc. 
5.
Guildive : rhum. 
6.
Aune : ancienne mesure de longueur (environ 1, 20m). 
7.
Procureur : juge qui représente le roi. 
8.
Il s'agit de Jean-Baptiste Colbert, marquis de Seignelay, fils de Jean-Baptiste Colbert décédé en 1683.