L'aliénation de la liberté peut-elle justifier le recours à la violence pour la recouvrer ?


    La liberté même, soit des particuliers, soit des Etats, c'est-à-dire l'autonomie (comme si c'était une chose qui convienne à toute sorte de personnes naturellement et en tout temps), ne peut fournir de droit à faire la guerre. Car lorsqu'on dit que la liberté appartient par nature aux hommes ou aux peuples, cela doit être entendu du droit de nature précédant tout fait humain, et de la liberté « par exemption », non de celle qui existe « par incompatibilité » [1] ; c'est-à-dire que, naturellement, l'on n'est point esclave, mais qu'on n'a pas le droit de ne jamais le devenir : car dans ce dernier sens, personne n'est né libre, personne esclave ; c'est la fortune qui a posé ensuite ces noms sur chacun (Sénèque, lib. III, Controv. XXI). Et ce mot d'Aristote : « La loi a fait que l'un fut libre et l'autre esclave » (Polit. Lib. I). C'est pourquoi ceux qui, par une cause légitime, sont tombés dans un esclavage, soit personnel, soit politique, doivent se contenter de leur condition, comme l'apôtre Paul l'enseigne : « Tu as été appelé à la servitude ? Que cela ne te tourmente pas » (I Corinth. VII, 21).




 


Source :Hugo GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, livre II, chap. XXII, 1625

 

 

 

 

1.
L'état de l'homme selon le droit naturel est celui d'une exemption d'esclavage, mais non d'une incompatibilité absolue avec l'esclavage.