L'aliénation de le liberté peut-elle justifier le recours à la violence pour la recouvrer ?



   Ce texte d' Hugo Grotius, extrait du Droit de la guerre et de la paix, illustre parfaitement la démarche de cet ouvrage dans lequel l'auteur s'efforce d'articuler les principes du droit naturel avec les pratiques en usage parmi les nations et avec les grandes sources philosophiques juridiques et religieuses. Il n'y a donc pas ici d'opposition frontale entre droit naturel et droit positif comme ce sera le cas avec les penseurs prérévolutionnaires. Il est en l'occurrence particulièrement significatif de constater que la pensée du droit naturel n'implique pas une condamnation sans appel de l'esclavage et que celui-ci peut être intégré dans un système juridique légitime. Il va falloir des décennies de réflexion et des générations de penseurs pour en arriver à l'affirmation de Jean-Jacques Rousseau selon laquelle les deux termes d'esclavage et de droit s'excluent mutuellement. Il est également significatif de voir à quel point les généralités sur la nature humaine, et les références antiques (Aristote, Sénèque, Paul), permettent d'occulter la question raciale et la spécificité de la traite atlantique. La question de l'esclavage est également diluée en étant élargie à la notion d'esclavage politique. Enfin ce texte met en question le droit de résistance et/ou d'insurrection et refuse de voir dans la privation de liberté une raison suffisante à l'usage de ce droit. Autrement dit il récuse par avance et solidairement tout discours anticolonialiste et antiesclavagiste.

Vincent GREGOIRE