La mortalité des esclaves et des hommes d'équipage, 1695-1697

 

 

   Le 3 juin 1695, une flotte de six navires quitte le port de La Rochelle pour un voyage de près de 23 mois. L'escadre se dirige d'abord vers le golfe de Gambie avec un double objectif, montrer la puissance française face aux Anglais et initier un commerce de traite négrière en droite ligne depuis le littoral africain jusqu'aux colonies françaises d'Amérique : Guyane, Antilles.

   C'est dans ce contexte que se situe l'épisode de traite dont il est question ici. Sur l'un des navires de la flotte, la flûte « La Féconde », sont entassés 150 esclaves acquis en Gambie, au Fort Saint-Jacques, le 16 août 1695. Beaucoup meurent avant la traversée (suicides, asphyxie) ; quelques uns sont vendus au Brésil et 40 à Cayenne, en Guyane française.

   Le taux de mortalité des esclaves pendant la traversée est plus élevé au XVIIe s. qu'au siècle suivant : de plus de 30 % en moyenne, il passe en dessous de 15 % au XVIIIe s. Les bateaux utilisés ne sont pas des bateaux négriers spécifiques car les expéditions ne sont pas strictement négrières à l'époque, ce qui augmente encore la mortalité des esclaves pendant la traversée. « Avant la traversée, un grand nombre de décès chez les captifs est dû à des suicides ou/et à des révoltes. Des pics épidémiques sont aussi constatés lorsque la traite s'éternise plusieurs mois » 1 .


Voyages négriers transatlantiques 1695-1697 2

 

TABLEAU

 

    La mortalité de l'équipage peut également être très importante, autour de 15 % des marins embarqués 3 . Souvent la mortalité des esclaves est mieux documentée que celle des marins. Ainsi dans le voyage dont il est question ici, le journal de bord témoigne des esclaves morts avant la traversée, alors que les mentions chiffrées des marins décédés sont souvent éparses et incomplètes.

    Lors de ce voyage, des esclaves sont retenus comme marins pour remplacer l'insuffisance de l'équipage, décimé par les maladies dont la « maladie de Gambie » ou maladie du sommeil, dont il est question ici.

    Au XVIIIe s., dès lors que les expéditions deviennent strictement de traite négrière, le recours aux esclaves comme marins de remplacement tend à disparaître.

Marie POLDERMAN