Vente d'esclaves et retour d'un voyage de traite, Nantes, 1771



    Le rapport de mer du navire Le Maréchal de Luxembourg nous livre des informations sur la vente des esclaves et le voyage du retour vers Nantes. Un bilan global de la campagne de traite est alors possible.

    Le rapport de mer du capitaine J. Tanquerel, capitaine du navire Le Maréchal du Luxembourg, permet de dresser un bilan global du commerce triangulaire nantais. Déposé auprès de l'amirauté de Nantes en 1769 ce rapport concerne un navire de 250 tonneaux, soit un navire de belle taille pour une campagne de traite d'importance. Le navire est armé par les armateurs Deseigne, Drouin et Dulac. Bien que courante, cette association de trois familles d'armateurs s'explique ici par l'importance de l'investissement : armé de 12 canons, le navire compte 60 hommes d'équipage et va effectuer la traversée entre l'Afrique et les Caraïbes avec à son bord 691 captifs.

 

    L'objectif de ce rapport de mer, obligatoire pour les navires au long cours, est de dresser le bilan de l'expédition. De ce document long et complexe, nous ne gardons ici que des extraits transcrits (l'original est consultable aux Archives Départementales de Loire-Atlantique) permettant de comprendre à la fois l'armement du navire et sa cargaison, le voyage, la traite, la vente, l'achat des marchandise dans les îles et le bilan humain du voyage. Ce document est destiné aux autorités portuaires qui enregistrent pour l'administration royale les marchandises débarquées, les hommes débarqués...tant pour des raisons de sécurité que des raisons fiscales. Cependant, fait sous serment devant un avocat, ce rapport sert aussi aux armateurs pour commencer la dernière étape de cette longue opération commerciale, à savoir la vente des produits coloniaux et la répartition très complexe des bénéfices du dit voyage. De même, le retour du navire entraîne le règlement des salaires des marins qui n'ont au départ touché qu'une avance sur solde.

 

    Les informations que l'on peut extraire d'un tel document sont très nombreuses. Retenons ici l'essentiel dans un souci de compréhension global d'une expédition négrière. Le Maréchal de Luxembourg quitte Paimbœuf le 1er février 1768. Il atteint la Côte d'Or fin mars et sa campagne de traite s'étale sur plusieurs mois. Ce n'est que le 17 novembre 1768 que le bateau quitte les côtes africaines pour faire relâche durant un mois à l'île du Prince, étape classique suivie par nombre de navires négriers nantais. A son arrivée à Saint-Domingue le 20 février 1769, le navire a perdu cinquante captifs.

 

Le retour vers la France s'effectue le 15 mai 1769. Entre l'arrivée et le départ de Saint-Domingue, le capitaine a procédé à la vente des captifs et a chargé son navire de sucre, de café, de coton, d'indigo. Le voyage aura duré plus de 16 mois éclairant ainsi les aléas de la traite. La liste des marins morts durant le voyage éclaire plusieurs aspects : la mention de leur rôle sur le navire illustre la diversité du métier de marin. Charpentiers, armurier, pilote de chaloupe...le navire négrier est un navire mixte qui doit à la fois transporter des hommes nombreux et des marchandises. De plus, la concurrence, les conflits en Europe nécessitent toujours une solide défense. Il faut donc des hommes capables de manœuvrer dans des circonstances complexes (l'accès aux plages, ou rades d'Afrique est rendu difficile par le phénomène de barre) mais aussi des hommes adaptant le bateau et son architecture aux étapes du voyage. L'entrepont va ainsi évoluer servant de cale pour les captifs avant d'être un entrepôt pour les produits coloniaux.

 

    Ces rapports de mer constituent donc une source de renseignements de premier ordre pour comprendre la traite et ses modalités.

 


Source : Rapport de mer de J. Tanquerel, capitaine au long cours, 1771.

 

Hugues ALBERT
Youenn COCHENEC