SOMMAIRE

Introduction

Donner sens à cette histoire qui dure du 16ème au 19ème siècle et est un fait majeur non seulement pour comprendre l'histoire nationale, mais aussi l'histoire de l'Europe, de l'Afrique et de l'Amérique, suppose une réflexion historique et pédagogique qui permettra de définir une programmation des leçons cohérente avec les programmes [1] .

 

A - Intégrer dans notre enseignement l'histoire des traites, de l'esclavage colonial et des abolitions.

La mise en place de la traite négrière européenne sera étudiée en CM1 [2]  lors du chapitre consacré au « Temps des Découvertes et aux premiers empires coloniaux ». Ceci permettra d'évoquer l'exploration des côtes africaines et l'insertion des navigateurs portugais, puis des autres puissances européennes, dans un trafic négrier qui s'étendit dès le début du 16ème siècle vers les terres américaines récemment conquises où les populations indiennes furent asservies et massacrées. Ce chapitre permettra de contribuer à la culture géographique des élèves (nouvelles représentations de la Terre, localisation des lieux de la traite et des colonies des Antilles et de l'Océan Indien dont quatre sont devenues des DOM).

L'étude des colonies européennes à esclaves pourra s'insérer dans la leçon consacrée aux « Lumières » et aux évolutions de la société à la fin de l'Ancien Régime permettant, ainsi d'étudier les relations entre les métropoles européennes et sociétés esclavagistes, la condition des esclaves des plantations, d'évoquer Voltaire et Condorcet, l'un pour sa dénonciation des brutalités de l'esclavage, l'autre pour son engagement abolitionniste. A cette occasion, le professeur pourra utiliser comme sources et documents des récits de voyages, des planches de l'Encyclopédie, des textes et des images qui montrent la vivacité des conflits entre esclavagistes et abolitionnistes.

Cette leçon permettra à l'élève de connaître :
    •    l'importance de la traite et du commerce colonial dans l'essor économique de l'Europe atlantique avec, notamment, comme exemple, la croissance des villes portuaires ;
    •    l'aspect massif et organisé de la déportation de populations africaines de diverses origines géographiques et culturelles ;
    •    les conditions d'existence des esclaves pour lesquels a été rédigé en 1685, sous le règne de Louis XIV, le Code noir ;
    •    le fonctionnement des plantations et les grandes lignes de l'organisation des sociétés esclavagistes ;
    •    les formes de résistance des esclaves ;
    •    les dénonciations par des «intellectuels » européens des méfaits de la traite et de l'esclavage malgré l'influence de ceux qui en tiraient profit.

La leçon sur « la Révolution française et le Premier Empire » amènera à prendre en compte, comme y invitent les programmes, « l'aspiration à la liberté et à l'égalité » à travers l'étude :
    •    des combats politiques menés par les abolitionnistes (Condorcet, abbé Grégoire …) et l'évocation de l'abolition de l'esclavage par la Convention en février 1794 ;
    •    des événements révolutionnaires qui ont marqué l'histoire des Antilles, notamment, l'indépendance d'Haïti en 1804 ;
    •    du rétablissement de l'esclavage par Napoléon Bonaparte et de l'échec du soulèvement anti-esclavagiste à la Guadeloupe.


L'acquisition de ces connaissances aidera les élèves à mieux comprendre dans la leçon consacrée à « l'installation de la démocratie et de la République » le contexte de « l'abolition de l'esclavage en 1848 par la Deuxième République » (repères chronologiques) et l'œuvre de Victor Schœlcher.

 

B - Permettre la compréhension de documents historiques et développer l'esprit critique

L'actualité des enjeux civiques rend d'autant plus nécessaires la précision et la rigueur de notre enseignement pour contrecarrer la confusion entretenue par la « concurrence des mémoires ».

L'information scientifique apportée par la leçon et l'étude de dossiers documentaires contribueront à l'instruction et à la formation de l'esprit critique des élèves. Comme lors de tout cours d'histoire, l'identification précise des sources documentaires (nature du texte ou de l'image ? date de production et contexte ? auteur ? destinataire ?...) est d'autant plus formatrice qu'elle aide à comprendre :

l'importance du point de vue de celui qui tient la plume (ou le pinceau)
la différence entre un témoignage, un roman historique, le texte d'un historien ou entre un reportage, le filmage de sources documentaires, une reconstitution historique ou une œuvre de fiction cinématographique.

Toutefois, l'élève n'est pas un historien : le choix des documents, le questionnement et les conclusions tirées relèvent de la responsabilité pédagogique de l'enseignant, car tous les énoncés ne se valent pas. Il y a des affirmations fausses et d'autres qui sont exactes.

L'initiation à la critique documentaire permise par la leçon d'histoire amène l'élève à s'interroger sur le sens du choix de tel mot ou de telle image pour justifier ou pour condamner la traite et l'esclavage. Elle le rend sensible à la polysémie de mots comme celui de liberté qui n'avait pas le même sens pour le négrier et pour celui qui était enchaîné à fond de cale. Elle incite le futur citoyen à la défiance à l'encontre de l'euphémisation des pratiques criminelles déjà largement pratiquée par la « communication » (c'est-à-dire la propagande) du lobby négrier qui se fit, face aux critiques, le défenseur de la « liberté du commerce », de la « prospérité des ports, des colonies et de la France » grâce au maintien du trafic du « bois d'ébène » et des « pièces d'Inde » sauvées de la « barbarie africaine ».

 

C - Promouvoir les approches interdisciplinaires et la transversalité des apprentissages



Dans le prolongement du chapitre consacré au « temps des découvertes », le cours sur l'histoire de la traite et de l'esclavage gagnera à être mis explicitement en relation avec le programme de géographie. Comment, en effet, comprendre la complexité du peuplement américain et la diversité de ses populations sans les mettre en relation avec ces pages d'histoire ? Quant à la connaissance de l'histoire et de la géographie des sociétés africaines, elle demeure un des « angles morts » de nos programmes. Cette ignorance contribue à la persistance des stéréotypes racistes hérités de la traite négrière et de la colonisation.

Du XVIe siècle à nos jours, la déportation et l'esclavage des Noirs sont à l'origine de textes littéraires dont certains sont des classiques de la culture scolaire. La lecture de romans, de témoignages et de récits de voyages, ainsi que la musique tout en enrichissant la culture des élèves, les amèneront à percevoir la diversité des expressions culturelles. De même, tableaux, gravures, films et photographies contribueront à former leur regard. La liste d'exemple d'œuvres proposée par le Ministère pour mettre en œuvre le nouveau programme d' histoire des Arts incite les professeurs des écoles à étudier « navires et caravelles » (« Arts du quotidien ») et à faire lire le roman historique d'Evelyne Brisou-Pellen, Deux graines de cacao (« Arts du langage »).

L'instruction civique et morale qui engage « en relation avec l'étude de l'histoire et de la géographie (...) à identifier et comprendre l'importance des valeurs, des textes fondateurs, des symboles de la République française et de l'Union européenne, notamment la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen » sera l'occasion de prendre en compte les questions inévitables sur les formes contemporaines d'asservissement, dont le travail des enfants est une des manifestations les plus sensibles. Les réalités de l'exploitation et de la servitude sont multiples, mais de légaux et officiellement pratiqués, la traite des êtres humains et de l'esclavage sont devenus illégaux et clandestins. Cette précision n'est pas anodine, car elle ouvre sur une réflexion essentielle sur le rôle de la loi, mais aussi sur ses limites lorsque des Etats, malgré les conventions internationales, ne se donnent pas les moyens de la faire respecter.

 

 

1.
Tout en se fondant sur les programmes de juin 2008, il est conservé de nombreuses références aux Documents d'applications des programmes de 2002, car ces derniers proposaient aux enseignants des pistes pédagogiques pertinentes. 
2.
Ce texte se réfère aux programmes d'enseignement de l'Ecole primaire publiés dans le BOEN n° 3 le 19 juin 2008.