Traites et esclavage dans les programmes d'histoire du collège en France

 

SOMMAIRE

 

Introduction

Traites et esclavages occupent une place croissante dans les programmes depuis la loi Taubira du 10 mai 2001
Celle-ci dispose dans son article 1 que « la République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe s., aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité ». L'article 2 de cette loi dispose que « les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent. »

A - Les programmes de 1997 et les adaptations pour les enseignements donnés dans les DOM

Niveau Thème, période Commentaire
5e
BO n°5 30 janvier 1997 (en vigueur jusqu'en 2009-2010)

III La naissance des temps modernes

2. L'Europe à la découverte du monde (3 à 4h)

La destruction des civilisations amérindiennes et la constitution des premiers empires coloniaux font l'objet d'une étude synthétique.
5e
Adaptation pour les ensei-gnements donnés dans les DOM
BO n°8 24 février 2000 (en vigueur jusqu'en 2009-2010)

III La naissance des temps modernes

2. L'Europe à la découverte du monde (3 à 4h)

Guadeloupe – Guyane – Martinique :
Pour développer davantage la découverte du nouveau monde et introduire une étude précise des empires amérindiens et de l'installation des empires coloniaux, on consacre 15 à 17 heures à la partie III du programme (naissance des Temps modernes). Le temps nécessaire est pris sur la 1ère et la 2e partie.



    Dans les programmes de collège applicables à partir de la rentrée 1998, il n'est pas fait explicitement mention de l'histoire de la traite et de l'esclavage dans les chapitres au cours desquels la question pourrait être traitée.


    C'est après l'émergence dans l'espace public de la question de la traite et de l'esclavage négrier en 1998, à l'occasion du cent-cinquantenaire de l'abolition de l'esclavage en France, que les programmes sont adaptés pour les enseignements donnés dans les DOM : une place non négligeable est faite dans les programmes de collège à l'enseignement de l'histoire de la traite et de l'esclavage négriers.


    Mais cette thématique reste confinée aux académies héritières d'un passé colonial marqué par l'esclavage de la manière la plus claire, mais comme si cette part de l'histoire nationale ne concernait pas la métropole.


    En conformité avec la loi Taubira, cette configuration est modifiée en 2005 et de manière plus précise en 2006.

B - La circulaire « Mémoire de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions », 2005, et « L'esclavage dans les programmes scolaires  », 2006



    A la suite de la loi Taubira du 10 mai 2005, la circulaire « Devoir de mémoire. Mémoire de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions » , parue au B.O. n 41 du 10 novembre 2005 précise  :


    « De l'école primaire jusqu'au lycée, les programmes d'enseignement se prêtent à une présentation diversifiée de ce sujet. Ceux d'histoire-géographie, principalement en classe de 4ème et de première, offrent aux professeurs la possibilité de donner aux élèves de solides connaissances sur la traite négrière, l'esclavage et les révoltes qui ont précédé son abolition définitive. Par ailleurs, les enseignements d'éducation civique, de lettres, de philosophie, de langues étrangères ou encore d'éducation musicale et d'arts plastiques permettent des éclairages nombreux et variés.


    Les approches transversales, au croisement des dimensions historiques, linguistiques, littéraires et artistiques, sont par ailleurs les bienvenues. Le thème de l'esclavage pourra ainsi être abordé, par exemple, dans le cadre d'une réflexion pluridisciplinaire sur les droits de l'homme ; ou encore celui de l'apport créatif des cultures métisses par le biais d'un projet d'éducation artistique et culturelle. »


    Et surtout, le texte de la Direction de l'Enseignement scolaire, « L'esclavage dans les programmes scolaires », du 5 mai 2006 précise à quel moment et comment aborder cette question au fil de programmes qui n'en faisaient pas mention explicite jusqu'alors :


    •    « Dans le programme de 6ème, on peut faire une mention explicite dans l'étude de l'Egypte, de la Grèce et de Rome de la réalité de l'esclavage antique. Des textes historiques et littéraires viennent à l'appui chez Homère, dans la Bible, chez Sénèque (Lettres à Lucilius).


    •    En classe de 5ème, lors de l'étude de la géographie de l'Afrique, dans le programme « le poids de l'histoire ancienne et récente » est mis en évidence. C'est une occasion pour mentionner les réalités anciennes de l'esclavage dans l'histoire de l'Afrique. En histoire, le recours à l'esclavage peut être associé à la « destruction des civilisations amérindiennes dans le chapitre « L'Europe à la découverte du monde ».


    •    En classe de 4ème, l'étude de la Monarchie absolue, le développement du premier empire colonial français, une référence au Code noir de 1685, le commerce triangulaire peuvent être mentionnés explicitement dans le programme. Dans la période révolutionnaire (1789-1815), l'abolition de 1794, le rétablissement de l'esclavage en 1802 et la révolte de Saint-Domingue sont à mentionner. Un dossier peut être consacré enfin à l'abolition de l'esclavage en 1848.


    •    Au collège également, l'éducation civique, particulièrement en classe de quatrième, avec l'examen de la question des Libertés et des droits, l'étude de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen peut offrir – en liaison avec le programme d'histoire – l'occasion d'une réflexion sur le problème de l'esclavage. »

C - Les nouveaux programmes du collège, 2008



Si la relecture des programmes de collège de 1997 par la circulaire « Devoir de mémoire. Mémoire de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions », du 10 novembre 2005 et le texte de la Direction de l'Enseignement scolaire, « L'esclavage dans les programmes scolaires », du 5 mai 2006, permettent d'insérer la question de l'esclavage à certains points précis du curriculum, c'est une place désormais beaucoup plus importante qui est ménagée à la question des traites et des esclavages, dans la longue durée, dans les nouveaux programmes de collège de 2008.

D - Traites et esclavages selon les nouveaux programmes de collège 2008


    Il s'agit de présenter ici quelques remarques à propos des nouveaux programmes de collège de 2008 qui n'ont pas encore été mis en œuvre. En conformité avec loi Taubira du 10 mai 2001, allant plus loin que la circulaire « Devoir de mémoire. Mémoire de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions » , parue au B.O. n 41 du 10 novembre 2005, et le texte de la Direction de l'Enseignement scolaire, « L'esclavage dans les programmes scolaires », du 5 mai 2006, ces nouveaux programmes font une place notable à l'histoire des traites et des esclavages. Ces thématiques ne sont plus réservées aux Départements d'Outre mer, dans le cadre d'une « adaptation des programmes », participant de fait à étayer un clivage entre ces départements éloignés de l'hexagone, héritiers du premier empire colonial, et la métropole.


     Désormais, traites et esclavages sont inscrits dans des programmes définis à l'échelle nationale. Ils sont déclinés dans la longue durée, dès l'Antiquité grecque, en 6e. L'ancienneté et la diversité des réseaux de traite des esclaves sont abordées dans le chapitre relatif à l'Afrique médiévale en 5e. Des éléments du libellé du programme mettent l'accent sur ce type précis de trafic. Les échanges restaient cependant très diversifiés à cette époque en Afrique. La mise en place de la traite atlantique, spécifiquement négrière cette fois, dès le XVIe s. afin d'exploiter les richesses du continent américain, n'est en revanche pas évoquée par le programme de 5e. Ce commerce des esclaves africains est au programme de 4e, lorsque sont étudiés l'Europe et le monde au XVIIIe s., siècle de plus grande intensité de ce trafic en toute légalité. Le développement de la traite négrière est alors inscrit dans le cadre du « commerce triangulaire », qui établit des relations commerciales entre les trois continents européen, africain et américain - phase de mondialisation mercantile qui contribue à l'essor de la prospérité de l'Europe ; mais il est aussi situé dans « le contexte général » des traites négrières. C'est une manière de souligner à la fois la singularité de la traite négrière atlantique tout en montrant qu'elle n'est pas l'unique déclinaison de ce phénomène historique.

    Par les démarches prescrites, le programme incite à sortir d'une histoire des grands chiffres, toujours un peu abstraite, au profit d'une histoire plus incarnée grâce au récit de « la capture, [du] trajet et [du] travail forcé d'un groupe d'esclaves ».
Ce programme insiste bien davantage que le programme de 1997 sur la réalité des traites et des esclavages avant d'en envisager l'abolition. Cependant, on pourra noter que la première abolition de l'esclavage en France en 1794, n'est pas mentionnée explicitement et que c'est la deuxième abolition de l'esclavage, définitive, par la Seconde République en 1848, qui fait partie des repères historiques que l'élève doit maîtriser à la fin de sa scolarité obligatoire. Il n'est donc pas fait référence au rôle des révoltes des esclaves, notamment pendant la Révolution française, non plus qu'à l'indépendance d'Haïti en 1804. Si le personnage de V. Schoelcher n'est pas mentionné explicitement, l'abolition de l'esclavage tend à rester l'affaire de « grands hommes » républicains métropolitains.

 

 

M-.A de SUREMAIN