Le général Baudry des Lozières soutient la traite et l'esclavage dans les colonies, 1802

 

     Il s'agit d'examiner ce qu'est l'esclavage dans les Colonies.

    S'il conserve la vie à des milliards d'hommes qui périraient de faim, ou que la politique, dans leur propre patrie, livrerait à la mort ; s'il donne à ces mêmes hommes aussi l'existence sociale que la philosophie et la religion réclament au nom de l'humanité, de l'intérêt et de la raison, il faut convenir qu'il n'a pas tout le caractère odieux que le fanatisme des philosophes de nos jours se plaît à exagérer.

    [...] Si donc l'esclavage a l'utilité qu'il paraît avoir, il faudrait le créer dans les colonies, s'il ne l'était déjà, ou l'y rétablir, si déjà une philanthropie l'avait fait supprimer.

    [...] D'abord convenons d'une vérité. Les Colonies sont des Etats accessoires devenus indispensables pour les Européens. On ne peut plus se passer dans l'ancien monde, du cacao, du coton, de l'indigo, et surtout vivre sans café et sans sucre.

    Ces états sont d'un prix inestimable par les richesses de leur sol ; mais cependant ils ne peuvent continuer à être riches, que par la quantité des bras cultivateurs, et par la sagesse de l'économie dans leur emploi.

    Les plus grands Nigrophiles doivent savoir que ces climats sont brûlants et humides, par conséquent malsains pour les Européens.

    [...] Il suffit donc d'être un peu instruit de la vérité des faits pour être convaincu que loin d'être en exécration, le premier qui a imaginé la traite [...] est donc le meilleur philanthrope, puisqu'il est le sauveur d'une foule de peuples qui se perdaient pour l'univers entier, que des tourments qui font tressaillir l'imagination, rendaient à la terre, après l'avoir arrosée de leur sang inutile.

    [La traite] a tourné tous les intérêts particuliers vers ce grand but ; en sauvant les uns, elle a enrichi les autres, et tout le monde, par ce système de la vraie sagesse, y a trouvé son avantage.

    [...] Je ne parlerai pas non plus de la quantité des Manufactures que cette traite a fait établir en Europe, et qui nourrissent tant de pères de famille, plusieurs millions d'ouvriers qui périraient de misère aussitôt que cette traite serait entièrement abolie.

    Il faut préalablement convenir que les hommes arrachés à la mort, dégagés des lourdes chaînes de leur pays natal, qui coûtent tant de frais et de dangers pour les aller chercher, tant d'argent ou d'échange pour leur rançon, devaient bien, sous tous les rapports de la politique, de la nature et de l'humanité, être de quelque utilité à leurs libérateurs, pour mettre ces derniers dans la possibilité d'en racheter à mesure de certains bénéfices. [...]

    Mon expérience me rend incontestable la nécessité de rétablir un jour l'esclavage des Colonies.




 


Source : Général Louis-Narcisse BAUDRY DES LOZIERES, Les égarements du nigrophilisme, Paris, Migneret, 1802

 

 

 

 

 Le général Baudry des Lozières soutient la traite et l'esclavage dans les colonies, 1802




La Révolution et les expériences politiques en France jusqu'en 1851

    Ce texte permet de montrer quels arguments de type économique sont utilisés par les esclavagistes contre les abolitionnistes se référant au droit naturel. Il montre aussi comment le Consulat permet au milieu des colons de faire prévaloir à nouveau leurs intérêts.

  • De quand date le document ? La traite et l'esclavage sont-ils autorisés à cette époque dans les colonies françaises ? Faîtes une biographie succincte de Baudry des Lozières.

  • Quel sujet l'auteur souhaite-t-il discuter ?

  • Relever les différents arguments donnés par l'auteur. De quelle nature sont-ils ? L'auteur s'intéresse-t-il à la question des droits naturels des hommes ?

  • Quelle conclusion tire-t-il de son argumentation ? Cette position est-elle répandue à l'époque ? A-t-elle un impact ?

 

 

M-A de SUREMAIN




2nde lycée général ou professionnel Histoire

 

 

 

 

Le général Baudry des Lozières soutient la traite et l'esclavage dans les colonies, 1802




   Louis-Narcisse Baudry des Lozières (1751-1841) est d'abord avocat, puis rapidement doyen et bâtonnier. Mais il abandonne la magistrature en 1788, pour se consacrer à ses activités de planteur à Saint-Domingue et surtout rejoindre l'armée. Il devient colonel-inspecteur des dragons du régiment de Port-au-Prince. En 1784, il crée et préside le cercle des Philadelphes, société dédiée à l'amélioration de l'agriculture, de l'industrie, des arts et des sciences. Il charge son beau-frère M. L-E Moreau de Saint-Méry, alors à Paris, d'établir des liens avec la franc-maçonnerie en métropole.

    Après le soulèvement des mulâtres et des esclaves en 1791, il se réfugie en Louisiane en 1793, contrée qu'il a tout loisir de parcourir et d'observer. Il écrit le récit de ses voyages :

    • Voyage à la Louisiane et sur le continent de l'Amérique septentrionale, fait dans les années 1794 à 1798, Paris : Dentu, an XI-1802

    • Second voyage à la Louisiane..., Paris : Charles, an XI-1803

    Il se présente alors comme « historiographe de la marine et des colonies ». Il publie ces ouvrages au moment où la Louisiane, qui fut cédée aux Espagnols en 1762 - de manière effective en 1769 - est rétrocédée à la France en 1800. Mais elle est vendue aux Etats-Unis dès 1803.

    Ces ouvrages présentent une histoire de la conquête de la Louisiane par la France autant qu'une description de la société, des usages et des réflexions sur la bonne manière de coloniser et de tirer profit des richesses de ces terres, guide à l'usage des futurs colons de Louisiane. L'auteur rend hommage au recueil des lois coloniales de Saint-Domingue réalisé par Moreau de Saint-Méry, et donne en modèle l'administration de cette île. Il exprime aussi toute sa défiance à l'égard de la « nature » des esclaves noirs.

    Le second voyage consiste en une biographie du général Grondel, qui commanda en Louisiane, une présentation des richesses de ce territoire, et la poursuite de ses réflexions coloniales, avec une charge toujours aussi forte contre les noirs et les esclaves. On y trouve des informations sur la traite et l'esclavage : il donne un « aperçu des côtes de l'Angola, des mœurs des « peuplades nègres » et un vocabulaire congo. L'ouvrage est dédié « à tous les colons honnêtes, victimes de la révolution des nigrophiles », c'est-à-dire les planteurs de Saint-Domingue et des colonies françaises, qui ont perdu leurs esclaves après les abolitions de 1793 à Saint-Domingue et l'abolition de la traite et de l'esclavage par la Convention le 4 février 1794. Il défend en effet le rétablissement de l'esclavage et s'emploie à réfuter et disqualifier les arguments des abolitionnistes dans son ouvrage Les égarements du nigrophilisme ,  publié en 1802 également, au moment où se déploie une forte campagne en ce sens. Le terme même de nigrophile est alors extrêmement péjoratif et s'applique aux défenseurs des noirs, en particulier lorsqu'ils sont réduits en esclavage.

    Le propos de l'ouvrage s'articule en une série « d'entretiens d'un fils avec l'ombre de son père », décédé en 1791, à partir de l'expérience biographique de l'auteur. Il y expose sa pensée sur les colonies et l'intérêt qu'il y aurait pour la France, selon lui, à les restaurer ainsi que l'esclavage.

    Baudry des Lozières s'attache d'abord à disqualifier les arguments des abolitionnistes : selon lui, c'est le « fanatisme des philosophes » - c'est-à-dire de personnes qui spéculent sans connaître les colonies - qui conduit à avoir une vision négative de l'esclavage. Partant de son expérience de colon, il prétend s'employer à rétablir la vérité et à juger l'esclavage à l'aune de ses effets et commence par éprouver son utilité.

    Il souligne combien les colonies sont des sources de richesse exceptionnelles, grâce à la production de produits tropicaux de luxe, tel le sucre – comme à Saint-Domingue -, le café, l'indigo – notamment en Louisiane -, dont la métropole ne peut plus se passer. Le respect des droits naturels des hommes soumis à la traite et réduits en esclavage est, pour l'auteur, tout à fait second en regard des intérêts économiques.

    Cette richesse repose en effet sur une force de travail très abondante, une quantité de « bras cultivateurs, par la sagesse de l'économie dans leur emploi », périphrase qui permet de ne pas mentionner l'esclavage, c'est-à-dire une main d'œuvre quasiment gratuite. On peut relever aussi que la personne de l'esclave est ramenée à la synecdoque : les « bras cultivateurs ».

    L'argument économique du faible coût de la main d'œuvre et de son nombre pour assurer la richesse de la métropole est complété par la référence au climat : celui-ci étant malsain pour les Européens, les « bras » ne peuvent être que noirs. Des travailleurs européens, « engagés » ou « trente six mois » en référence à la durée de leur contrat au service d'un maître après quoi ils redevenaient libres, avaient en effet été frappés par des taux de mortalité très élevés. Mais l'argument paraît bien commode - la condition des esclaves noirs n'est pas moins difficile que celle des blancs – et particulièrement spécieux dans le cas de Baudry des Lozières. En effet, dans son Voyage à la Louisiane, l'auteur dénonce l'ignorance et l'incapacité des médecins sous les tropiques. Le besoin de « changement d'air » pour soigner les maladies des Européens est selon lui moins la preuve de l'incommodité du climat pour les blancs que l'aveu de la médiocrité de ces praticiens. Ce type d'argumentation, permettant de prohiber le travail agricole des blancs, est cependant de poids pour des lecteurs européens, à l'époque de la diffusion de la « théorie des climats » de Montesquieu.

     Il passe ensuite à la défense de la traite : elle devient sous sa plume une institution philanthropique ! Singulière façon de répondre aux arguments des abolitionnistes fondés sur le respect du droit naturel de chaque homme à être libre. Comme de coutume chez les partisans de la traite négrière, les peuples africains sont présentés comme dévastés par des guerres perpétuelles, et le plus souvent promis à une mort certaine après tourments, supplices et sacrifices humains des plus effroyables. S'il existe des guerres en effet en Afrique, tout comme en Europe à la même époque, elles sont encouragées par le développement même de la traite, les marchands cherchant un nombre toujours plus grand d'esclaves à acheter sur les côtes africaines. La traite encourage guerres et razzias en donnant un débouché commercial à ces « prises de captifs ».

    L'argument suivant est plus complexe : à ce gaspillage de vies humaines en Afrique selon l'auteur, sang répandu inutilement, il oppose le cercle vertueux de l'utilité de la traite ; la combinaison des intérêts particuliers tournés vers un but commun permet selon Baudry des Lozières de sauver d'une mort certaine les noirs d'Afrique et d'enrichir les autres.

    Mais cet enrichissement ne se limite pas aux marchands négriers. La traite stimule et assure la prospérité de l'activité manufacturière en Europe. Les intérêts des traitants et des manufacturiers d'Europe se trouvent donc indissociablement liés et c'est tout un système d'économie mercantile qui est donc irrigué par les bénéfices de la traite.

    Jusqu'à quel point la traite a-t-elle permis l'enrichissement économique de l'Europe ? Les historiens sont divisés. La traite négrière offre un débouché pour de très nombreuses productions réalisées dans toute l'Europe, et pas uniquement dans les ports de traite : textile, armes, métaux bruts, vins et eaux de vie, tabac, verrerie. En retour, les produits rapportés des colonies sont devenus indispensables à toute l'Europe et sont revendus à bon prix. Olivier Pétré-Grenouilleau évalue que le profit de la traite négrière pour Nantes est compris en moyenne seulement entre 4 et 6 %, autour de 10% pour l'Angleterre. Mais le commerce colonial recouvre un éventail de marchandises beaucoup plus vaste, qui comprend tous les produits tropicaux. Il est extrêmement important et concerne toute l'Europe. En 1776 en France par exemple, le commerce avec les seules Caraïbes représente un tiers du total des importations du royaume.

    Le dernier argument de cet extrait des Errements du nigrophilisme est particulièrement stupéfiant pour le lecteur d'aujourd'hui : selon l'auteur, l'acquéreur d'esclave l'ayant sauvé d'une condition affreuse, comme on délivrerait un otage en payant une rançon, celui-ci devrait reconnaissance à son « libérateur » pour cette réduction en esclavage. Il doit s'en acquitter en assurant l'enrichissement de son maître, qui pourra à son tour se procurer de nouveaux esclaves. Ainsi, selon Baudry des Lozières, le « cercle vertueux » devient une spirale...

    Au-delà de cette « argumentation », à caractère essentiellement économique, et qui donne une singulière lecture des relations imposées entre maître et esclave, en contradiction avec la référence au droit naturel à la liberté, l'auteur met enfin en avant son expérience de colon, au fait des réalités, ce qui est une façon de clore toute discussion et de disqualifier toute argumentation philosophique. Il demande donc le rétablissement de l'esclavage dans les colonies, supprimé depuis les décrets de Sonthonax et Polverel en 1793 à Saint-Domingue, et par la Convention le 16 Pluviôse An II / 4 février 1794 pour toutes les colonies sous domination française.

    Ce texte est significatif des fortes pressions exercées en faveur du rétablissement de l'esclavage par le milieu des colons sur Bonaparte, époux d'une créole de Martinique, Joséphine née de La Pagerie. Sans que ces pressions en soient la cause unique, Bonaparte fait effectivement rétablir l'esclavage par la loi du 20 mai 1802 en Martinique et le 16 juillet 1802 en Guadeloupe. En février 1802, Leclerc débarque à Saint-Domingue, mais les armées métropolitaines, après des combats atroces, échouent à reprendre l'île qui prend son indépendance le 1er janvier 1804 sous le nom d'Haïti.

On pourra se référer à :

  • Olivier Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières. Essai d'histoire globale, Paris : Gallimard, 2004.

  • « Traites, esclavage : la trace et l'histoire », Revue d'Histoire moderne et contemporaine, Paris : Belin, 2005, tome 52, n° 4 bis.


M-A de SUREMAIN

 

 

 

Le général Baudry des Lozières soutient la traite et l'esclavage dans les colonies, 1802




    Un extrait plus long :

    Renversons donc l'échafaudage dressé par le charlatanisme qui se cache sous les couleurs fausses de l'humanité, et qui, sous le masque de la philanthropie, conserve le caractère du bourreau. [...]

    Il s'agit d'examiner ce qu'est l'esclavage dans les Colonies.

    S'il conserve la vie à des milliards d'hommes qui périraient de faim, ou que la politique, dans leur propre patrie, livrerait à la mort ; s'il donne à ces mêmes hommes aussi l'existence sociale que la philosophie et la religion réclament au nom de l'humanité, de l'intérêt et de la raison, il faut convenir qu'il n'a pas tout le caractère odieux que le fanatisme des philosophes de nos jours se plaît à exagérer. [...]

    Si donc l'esclavage a l'utilité qu'il paraît avoir, il faudrait le créer dans les colonies, s'il ne l'était déjà, ou l'y rétablir, si déjà une philanthropie l'avait fait supprimer. [...]

    D'abord convenons d'une vérité. Les Colonies sont des Etats accessoires devenus indispensables pour les Européens. On ne peut plus se passer dans l'ancien monde, du cacao, du coton, de l'indigo, et sur-tout vivre sans café et sans sucre.

    Ces états sont d'un prix inestimable par les richesses de leur sol ; mais cependant ils ne peuvent continuer à être riches, que par la quantité des bras cultivateurs, et par la sagesse de l'économie dans leur emploi.

    Les plus grands Nigrophiles doivent savoir que ces climats sont brûlants et humides, par conséquent malsains pour les Européens.

    L'essai de se passer d'esclaves, a été tenté plusieurs fois et toujours infructueusement.Dans ces contrées brûlantes [l'Afrique], on ne voit point, proprement dit, de gens libres. On y est plus ou mois esclave.

    Ceux qui le sont moins, sont ceux qui aident à gouverner, et qui ont d'autres esclaves, que par imitation ils traitent horriblement. [...]

    Ajoutez y les innombrables guerres que se font politiquement les princes et les rois, qui n'ont là des noms sacrés que pour ensanglanter chaque jour l'autel de la nature. Dans ces guerres, on ne fait des prisonniers que pour les égorger sur le champ et les manger, ce qui est la conséquence horrible du principe de diminuer sans cesse la quantité des hommes dans un pays sans industrie, et qui ne saurait les nourrir.

    Il suffit donc d'être un peu instruit de la vérité des faits pour être convaincu que loin d'être en exécration, le premier qui a imaginé la traite [...] est donc le meilleur philanthrope, puisqu'il est le sauveur d'une foule de peuples qui se perdaient pour l'univers entier, que des tourments qui font tressaillir l'imagination, rendaient à la terre, après l'avoir arrosée de leur sang inutile. [...] Elle a sauvé la vie à un milliard d'hommes malheureux, sans avoir ruiné ou fait égorger un seul homme pour achever cet ouvrage immortel. Elle a fait plus encore, elle a tourné tous les intérêts particuliers vers ce grand but ; en sauvant les uns, elle a enrichi les autres, et tout le monde, par ce système de la vraie sagesse, y a trouvé son avantage. [...]

    Il est prouvé que notre navigation lui doit ses progrès, et que jamais elle n'a été si savante que depuis ce commerce, toute à la fois politique et humain.

    Je ne parlerai pas non plus de la quantité des Manufactures que cette traite a fait établir en Europe, et qui nourrissent tant de pères de famille, plusieurs millions d'ouvriers qui périraient de misère aussitôt que cette traite serait entièrement abolie.

    Il fut préalablement convenir que les hommes arrachés à la mort, dégagés des lourdes chaînes de leur pays natal, qui coûtent tant de frais et de dangers pour les aller chercher, tant d'argent ou d'échange pour leur rançon, devaient bien, sous tous les rapports de la politique, de la nature et de l'humanité, être de quelque utilité à leurs libérateurs, pour mettre ces derniers dans la possibilité d'en racheter à mesure de certains bénéfices. Il serait ridicule de penser qu'on leur dût une générosité assez forcée pour les admettre chez nous, sans qu'ils fussent obligés de supporter dans leur proportion la charge publique.

    Il ne le serait pas moins de s'exposer ainsi, sans une compensation quelconque, au risque de mélanger le pur sang des Français.

    Quoi qu'il en soit, il n'est pas contre l'humanité de dire qu'il fallait que ces Nègres, délivrés de tant de maux, témoignassent leur gratitude par tous les moyens qui sont en leur pouvoir. [...] Quel autre qu'un propriétaire qui les achète fort cher, serait, le plus souvent par lui-même et le reste du temps par la plus grande surveillance, leur cuisinier, leur blanchisseur, leur baigneur. [...]

    Dans leur propre pays ils sont tous esclaves, dans toute la force du terme. Chez nous, ils n'en ont que le nom, adouci par une bienveillance vraiment paternelle, et acquièrent, qu'ils n'ont jamais chez eux, l'espoir d'être vraiment libres par leur bonne conduite. [...]

    Dans nos Colonies, les maîtres sont généralement instruits, civilisés, par conséquent humains. [...] J'en ai dit suffisamment pour montrer combien ces prétendus esclaves gagnent à nous servir, combien ils sont malheureux dans leur patrie marâtre, combien ils seraient à plaindre sans le résultat heureux de la traite. [...]

    Aussitôt que la liberté générale sera prononcée, ces nouveaux libres voudront jouir. Le premier acte de cet affranchissement, sera de ne plus travailler, et de regarder le travail comme insupportable.

    Le Nègre est naturellement paresseux. [...] Son premier sentiment sera de jouir de sa liberté pour ne plus rien faire.

    La faim le tourmentera-t-elle ? Son caractère naturel le portera nécessairement à voler son voisin, et le Blanc aura toujours la préférence, puisque c'est lui qui travaille le plus. [...]

    Que l'on suppose la nécessité désormais de payer des journées, que l'on ajoute le prix le plus bas et le plus raisonnable pour ce nouveau salaire, une habitation, loin d'être profitable, ne sera presque plus qu'à charge à son propriétaire. [...]

    L'intérêt personnel, l'humanité naturelle à tous les hommes d'une certaine trempe, tels que le sont en général les habitants des colonies ; la loi qui surveille sans cesse, l'aisance qui suit les grands propriétaires, et qui en multipliant leurs occupations, leur ôte le temps comme l'envie de faire le mal, tout concourt à rendre les esclaves heureux, dans le sens qui leur convient, dans le sens matériel.[...]

    Et toi, féroce Africain, qui triomphes un instant sur les tombeaux de tes maîtres que tu as égorgés en lâche, qui trouves encore le secret d'humilier ceux qui ont pu fuir tes poignards, je te le prédis, homme que la nature a pétri du limon le plus vil, tu seras démasqué. L'ivresse des fauteurs de tes crimes ne durera pas toujours. On te connaîtra pour l'ennemi naturel des Blancs ... je n'en veux pas davantage.

    Rentre dans le néant politique auquel la nature elle-même t'a destiné. Ton orgueil atroce n'annonce que trop que la servitude est ton lot. Rentre dans le devoir, et compte sur la générosité de tes maîtres. Ils sont Blancs et Français !

    Mon expérience me rend incontestable la nécessité de rétablir un jour l'esclavage des Colonies.





Source : Général Louis-Narcisse BAUDRY DES LOZIERES, Les égarements du nigrophilisme, Paris, Migneret, 1802