Vente d'esclaves au Brésil et en Guyane, 1696
« Nous lui [le gouverneur de Rio] vendîmes aussi nos Nègres, dont nous retînmes les plus robustes, pour remplacer une partie de nos équipages que la maladie de Gambie avait éclaircis ».
Source : Froger, Relation du voyage fait en 1695, 1696 et 1697 aux côtes d'Afrique, détroit de Magellan, Brésil, Cayenne et isles des Antilles, Edition de Nicolas Le Gras, Paris, 1699, pp. 70-72
« Il nous restait environ 40 Nègres de la prise de Gambie que nous vendîmes tous l'un portant l'autre, 500 livres argent comptant ce qui fit que l'on donna de l'argent à nos équipages pour avoir des rafraîchissements. »
Source : Archives nationales, Fonds marine, 4JJ 44, Journal de bord N° 1, fo1. 149.
Le gouverneur de Guyane, Ferrolles , rend compte de cette vente dans un courrier adressé au secrétaire d'état à la Marine, Louis Phélipeaux, comte de Pontchartrain.
« Monsieur de Gennes a fait vendre ici environ quarante noirs à 500 livres pièce. La plupart des pauvres habitants qui depuis longtemps gardent 3 à 400 livres pour un Nègre n'en sauront avoir à un si haut prix. »
Source : Centre des Archives d'Outre-Mer, Sous-série C14, Registre 3, folio 107
Vente d'esclaves au Brésil et en Guyane, 1696
Le 3 juin 1695, une flotte de six navires quitte le port de La Rochelle pour un voyage de près de 23 mois. L'escadre se dirige d'abord vers le golfe de Gambie avec un double objectif :
- montrer la puissance française face aux Anglais en Afrique (et ultérieurement face aux Portugais en Amérique latine) ;
- initier un commerce de traite négrière depuis le littoral africain jusqu'aux colonies françaises d'Amérique.
- montrer la puissance française face aux Anglais en Afrique (et ultérieurement face aux Portugais en Amérique latine) ;
La flotte quitte l'Afrique en octobre, puis, portée par les alizés, atteint Rio de Janeiro le 4 décembre 1695, longe l'Amérique latine vers le sud jusqu'au détroit de Magellan (première moitié de l'année 1796) avant de revenir vers Rio où elle fait escale et vend quelques esclaves en juillet de la même année. Début août, elle poursuit vers le nord en direction de la Guyane française, limitrophe de la colonie portugaise.
La vente des 40 esclaves survivants se fait à Cayenne. La Guyane est alors une bien modeste colonie comptant à peine une centaine de plantations, nombre d'entre elles se réduisant à une habitation de survie élémentaire (en 1709, un quart d'entre elles ne disposent d'aucun esclave et seules huit relèvent de véritables plantations avec plus de 50 esclaves)
Le prix des esclaves dans les colonies françaises d'Amérique à la fin du XVIIe s. s'élève à 500 livres en moyennes. Dans la réalité, il existe une différence entre le coût payé pour un homme, une femme ou un enfant.
Le prix d'un esclave augmente régulièrement : de 300 livres environ en 1684, il atteint 500 livres autour de 1700, 1 000 livres trente ans plus tard et plus du double vers 1760. Seuls les colons les plus riches pouvaient acquérir des esclaves : le salaire annuel du gouverneur, poste le plus élevé de l'administration coloniale d'alors, correspond au prix de quatre esclaves vers 1760.
Appointements du personnel colonial en Guyane,
1739 et 1755
Qualité | 1739 | 1755 |
Gouverneur | 3.000 | 9.000 |
Juge | 540 | 540 |
Lieutenant du roi | 1.200 | 1.200 |
Major | 1.320 | 1.320 |
Médecin du roi | 1.500 | 1.500 |
Ordonnateur | 6.000 |
Les esclaves ont été ici vendus au comptant, ce n'était pas le cas le plus fréquent dans la colonie. En 1764, un avocat installé en Guyane écrit : « La médiocrité des fortunes est si générale ici, qu'un grand nombre d'étudiants, qui ont fait des acquisitions depuis 10 ans et plus, les doivent encore presqu'en entier... ».
Par ailleurs le manque de numéraire implique fréquemment un paiement en productions coloniales : sucre, café, rocou etc.
Enfin, cette « cargaison » d'esclaves est vendue par « lots » et non en une seule fois au fur et à mesure de l'itinéraire de cette flotte.
Cette pratique est documentée dans d'autres expéditions négrières, en particulier lorsque les acheteurs potentiels ne peuvent pas payer au comptant ou ne paraissent pas solvables.
Lors du voyage étudié ici, il semble que les esclaves traités furent utilisés comme monnaie d'échange tant au Brésil qu'en Guyane pour se procurer en particulier les vivres nécessaires à la poursuite du voyage et donc vendus au fur et à mesure des besoins de l'escadre.
Marie POLDERMAN
Vente d'esclaves au Brésil et en Guyane, 1696
- Où se situe la Guyane ? Quelle est sa position géographique par rapport au Brésil ?
- Quel est le prix de vente des esclaves ? Que signifie l'expression « argent comptant » ? Que signifie l'expression « l'un portant l'autre » ?
- Ce prix est-il accessible pour la plupart des colons de la Guyane ? Quels sont les éléments qui montrent que seuls les habitants les plus riches ont pu acheter des esclaves ?
- Comment une partie de cet argent va-t-il être dépensé ? Quel élément montre qu'il ne s'agit pas dans cette expédition de réaliser seulement du profit ?
- Quel est cependant l'unique objectif de la plupart de ces voyages de traite au XVIIe siècle et de la totalité au XVIIIe siècle ?
Marie POLDERMAN
Histoire 4e, 2nde lycée professionnel Histoire