La mortalité des esclaves et des hommes d'équipage, 1695-1697


    « Il nous arriva ce même jour une perte très considérable. Comme l'on avait destiné la « Féconde » pour porter des nouvelles en France et qu'elle devait passer à Cayenne, on avait mis 150 Nègres pour les y porter. Le bâtiment était fort petit et on les avait enfermés au fond de cale, crainte qu'ils ne se sauvassent à la nage ; ils y étaient si pressés qu'il en mourut dans cette nuit 34 étouffés. Sur la fin de ces derniers jours, nos équipages commencèrent à tomber malades à cause des pluies et du mauvais air. »


Source : Froger, Relation du voyage fait en 1695, 1696 et 1697 aux côtes d'Afrique, détroit de Magellan, Brésil, Cayenne et isles des Antilles, Edition de Nicolas Le Gras, Paris, 1699, p. 45






    « Nous lui [le gouverneur de Rio] vendîmes aussi nos Nègres, dont nous retînmes les plus robustes, pour remplacer une partie de nos équipages que la maladie de Gambie avait éclaircis. »


Source : Froger, Relation du voyage fait en 1695, 1696 et 1697 aux côtes d'Afrique, détroit de Magellan, Brésil, Cayenne et isles des Antilles, Edition de Nicolas Le Gras, Paris, 1699, pp. 70-72

 

 

La mortalité des esclaves et des hommes d'équipage, 1695-1697

 

 

   Le 3 juin 1695, une flotte de six navires quitte le port de La Rochelle pour un voyage de près de 23 mois. L'escadre se dirige d'abord vers le golfe de Gambie avec un double objectif, montrer la puissance française face aux Anglais et initier un commerce de traite négrière en droite ligne depuis le littoral africain jusqu'aux colonies françaises d'Amérique : Guyane, Antilles.

   C'est dans ce contexte que se situe l'épisode de traite dont il est question ici. Sur l'un des navires de la flotte, la flûte « La Féconde », sont entassés 150 esclaves acquis en Gambie, au Fort Saint-Jacques, le 16 août 1695. Beaucoup meurent avant la traversée (suicides, asphyxie) ; quelques uns sont vendus au Brésil et 40 à Cayenne, en Guyane française.

   Le taux de mortalité des esclaves pendant la traversée est plus élevé au XVIIe s. qu'au siècle suivant : de plus de 30 % en moyenne, il passe en dessous de 15 % au XVIIIe s. Les bateaux utilisés ne sont pas des bateaux négriers spécifiques car les expéditions ne sont pas strictement négrières à l'époque, ce qui augmente encore la mortalité des esclaves pendant la traversée. « Avant la traversée, un grand nombre de décès chez les captifs est dû à des suicides ou/et à des révoltes. Des pics épidémiques sont aussi constatés lorsque la traite s'éternise plusieurs mois » 1 .


Voyages négriers transatlantiques 1695-1697 2

 

TABLEAU

 

    La mortalité de l'équipage peut également être très importante, autour de 15 % des marins embarqués 3 . Souvent la mortalité des esclaves est mieux documentée que celle des marins. Ainsi dans le voyage dont il est question ici, le journal de bord témoigne des esclaves morts avant la traversée, alors que les mentions chiffrées des marins décédés sont souvent éparses et incomplètes.

    Lors de ce voyage, des esclaves sont retenus comme marins pour remplacer l'insuffisance de l'équipage, décimé par les maladies dont la « maladie de Gambie » ou maladie du sommeil, dont il est question ici.

    Au XVIIIe s., dès lors que les expéditions deviennent strictement de traite négrière, le recours aux esclaves comme marins de remplacement tend à disparaître.

Marie POLDERMAN

La mortalité des esclaves et des hommes d'équipage, 1695-1697

 

 

1. Combien d'esclaves sont morts avant même la traversée ? Quelles sont les causes de ces décès ?


2. Consulter la base de données en ligne concernant les expéditions négrières transatlantiques


Interroger la base avec la commande Current query et entrer le nom du navire (vessel name) sans l'article. Rechercher les éléments suivants :

  •  Le nombre d'esclaves « embarqués » (Total slaves embarked) sur le littoral africain,

  • le nombre d'esclaves « débarqués » (Total slaves disembarked) en Amérique,

  • le nombre d'esclaves décédés (Slave deaths during middle passage) .

    Que constatez-vous ?

3. Quelle précision montre la résistance des esclaves ?

4. De quoi les marins sont-ils victimes ? Quelles en sont les conséquences pour la suite du voyage ?

 


Marie POLDERMAN



Histoire 4e