Le théologien Jean Bellon de Saint-Quentin justifie l'esclavage des « nègres » au temps des Lumières, 1764

 

 

    « On peut licitement [1] avoir des esclaves et s'en servir ; cette possession et ce service ne sont ni contraires à la loi naturelle, ni à la loi divine écrite, ni même à la loi de l'Evangile [...]. Noé, le seul juste parmi les Hommes, qui fut sur la terre au temps du Déluge [...], apprenant la conduite de son fils Cham [2] à son égard, le maudit et le condamne dans la postérité à devenir l'esclave de ses frères [...]. La sentence de Noé eut son effet, et l'Ecriture ne le blâme point de l'avoir prononcée [...]. Or, l'espèce d'esclaves dont il est question quand on demande si le commerce des nègres que l'on tire de Guinée est permis et légitime, est dans ce cas. Ce sont des hommes nés esclaves ou qui le sont devenus par une suite inévitable de guerres continuelles que leurs chefs se font entre eux. On ne les fait point esclaves en les achetant [...]. Tout ce qui résulte par rapport à eux du commerce qui s'en fait, est le changement d'une servitude excessivement dure qui les tient éloignés de tout moyen de salut, en une autre incomparablement plus douce et plus tolérable et où ils trouvent à portée de parvenir à la connaissance de Jésus-Christ et de son Evangile : d'où je conclus que l'état d'esclavage dans lequel on les retient n'est pas en soi contraire au droit naturel [...] Définitivement, c'est un bien que la Providence ait permis, que le besoin qu'on ait eu des nègres dans nos colonies, pour la culture des terres, ait engagé les Européens à ces sortes de traites. Ils épargnent par là la vie à quantité de malheureux, qui sont tués par leurs maîtres quand ils ne trouvent pas à les vendre. [...] On ne va pas y 3 faire des esclaves, on les y trouve tels ; en les achetant, on les fait passer d'une servitude barbare à une servitude humaine, d'autant plus avantageuse pour eux, qu'elle leur devient un moyen de salut. »

 


Source : Jean Bellon de Saint-Quentin, Dissertation sur la traite et le commerce des nègres, 1764

 

 

 

 

1.
de manière autorisée, légale 
2.
La bible raconte qu'après avoir abusé de vin, Noé s'était endormi, nu. Ayant vu cela, son fils Cham appela ses deux frères Sèm et Japhet pour se moquer de lui. Mais ceux-ci s'approchèrent à reculons de leur père pour ne pas le voir ainsi et posèrent une couverture sur son corps. À son réveil, Noé apprit ce qui s'était passé et maudit Cham et sa descendance, les condamnant à être les serviteurs de Sèm, Japhet et leurs descendants. Dans cet épisode biblique, il n'est fait aucune mention de la « couleur » de Cham.