Le colon Médéric L.-E Moreau de Saint-Méry défend la traite, 1791




    « La renonciation d'une ou de plusieurs nations à la traite ne la ferait pas cesser, et ne serait qu'une cause de ruine pour ces nations ; on sent en effet que, si la France, par exemple, ne faisait plus la traite, les Anglais, les Espagnols, les Portugais, les Hollandais, les Danois la continuant, il ne s'opérerait aucun changement en Afrique Mais de cette résolution il s'en suivrait l'une de ces deux choses inévitablement, ou les colonies françaises recevraient des nègres de l'étranger, ou elles seraient réduites à ceux qu'elles possèdent aujourd'hui.

    La première hypothèse, qui est la plus vraisemblable, ne ferait qu'augmenter les avantages que les Anglais ont déjà dans ce commerce, et chaque nègre qu'ils vendraient dans nos îles serait l'objet d'un lucre [1]  que la France ne ferait plus.

    [...] Dans la seconde hypothèse, le produit des colonies serait visiblement anéanti. Le nombre des cultivateurs diminuant faute de recrues tous les moyens d'extension de culture étant impossibles, il arriverait que la France ne pourrait plus soutenir la concurrence avec les autres puissances à colonies dans les marchés de l'Europe. Et de cette manière sans avantage pour les Africains, la France perdrait insensiblement le rang qui lui appartient dans le système politique des nations commerçantes. »



Source : Médéric Louis-Elie Moreau de Saint-Méry, Considérations présentées aux vrais amis du repos et du bonheur de la France, à l'occasion des nouveaux mouvements de quelques soi-disant amis des noirs, Paris, 1er mars 1791

 

1.
Enrichissement, profit.