La canne, sa culture et la fabrication du sucre.
William Clark - Galerie d'images
Une des principales cultures de nos habitations est celle de la canne. C'est son suc qui, étant purifié, cuit, blanchi et séché, se transporte partout et se conserve aussi longtemps qu'on le tient à l'abri de l'humidité. La canne à sucre proviendrait des Indes où elle pousse à l'état sauvage et ce seraient, selon certains auteurs, les Espagnols et les Portugais qui les auraient transportées, d'abord à l'île de Madère et ensuite au Brésil (...) Ils nous ont appris à en extraire le jus comme ils l'avaient vu aux Indes (...)
La canne est un roseau de forte taille d'environ sept à huit pieds dont la peau est tendre et l'intérieur plein d'une matière spongieuse plus ou moins sucrée. La feuille est étroite, longue et pointue (...) La terre la plus fertile pour cette culture doit être légère, profonde et, surtout, bien exposée au soleil du matin jusqu'au soir (...) La saison de la récolte va de janvier à juillet et les rejetons mettent environ dix-huit à vingt mois pour être bons à couper. Les plants de canne sont disposés dans des fosses de sept à huit pouces de profondeur. On les recouvre alors de terre et, au bout de cinq à six jours, on les voit se lever. Une souche peut durer dix-huit à vingt ans. Mais le terrain doit être tenu propre et bien sarclé. La canne doit être coupée à maturité, sinon le suc qu'elle donne n'est pas de bonne qualité (...)
Lorsque le moment est venu de la récolte, on dispose en frontière du champ, un rang de nègres munis de serpes et ils avancent en ligne en disposant derrière eux les cannes coupées en deux ou trois morceaux. Ces derniers sont ramassés et liés en paquets qui sont chargés à leur tour sur des charrettes qui les portent au moulin. Ceux-ci servent à broyer la canne pour en extraire le suc. Ils sont mus soit par l'eau, le vent ou les bœufs.
La sucrerie proprement dite est une grande salle située à côté du moulin. C'est là où sont les chaudières dans lesquelles on reçoit, on purifie et on réduit en sucre le suc des cannes.
Les chaudières au nombre de cinq ou six sont en cuivre rouge et sont chauffées avec le bois ou avec les feuilles des cannes abattues. Chacune d'elles a son nom suivant sa fonction. Il y a la grande, la propre, la lessive, le flambeau, le sirop et la batterie. A chaque passage le suc, grâce à la chaux, la lessive et la cendre s'épure peu à peu et blanchit (...) Pour faire un bon sucre, il faut toute la science du raffineur qui doit savoir arrêter la dernière cuisson en fonction de la qualité et de la maturité des cannes.
Lorsque le sucre est complètement épuré, on le met dans des formes qui contiennent, après écumage, environ vingt à vingt deux livres 3 . La culture et la raffinerie du sucre sont d'un excellent rapport, environ cinq fois plus qu'une terre cultivée en Europe.
On tire également de l'eau-de-vie des cannes, appelée par les indigènes guildive, et par les nègres, tafia . Elle est obtenue par distillation et l'alcool qui en sort est très fort et très violent.
Source : Jean-Baptiste Labat, Nouveau voyage aux Isles de l'Amérique, contenant l'histoire naturelle de ces pays, l'origine, les mœurs, la religion et le gouvernement des habitants anciens et modernes. Les guerres et les événements singuliers qui y sont arrivés pendant le long séjour que l'auteur y a fait. Le commerce et les manufactures qui y sont établies, et les moyens de les augmenter. Avec une description exacte et curieuse de toutes ces Isles. Ouvrage enrichi de plus de cent Cartes, plans, et figures en tailles-douces, Paris, 1722, 6 volumes.
William Clark, L'extérieur du moulin, Antigua, 1823.
Source : William Clark, Ten Views in the Island of Antigua, in Which are Represented the Process of Sugar Making.... From Drawings Made by William Clark, During a Residence of Three Years in the West Indies (London, 1823). (Also published in Ladies' Society for Promoting the Early Education of Negro Children [London, ca. 1833; image shown here is taken from a copy in the John Carter Brown Library at Brown University]
Cette lithographie du peintre britannique William Clark (1803-1883) fait partie d'un ensemble de dix aquatintes consacrées à l'île d'Antigua au début du 19e siècle. Ami de planteurs, le peintre fut autorisé à mettre en images les différents moments de la culture de la canne à sucre. En 1823, lors de la réalisation de ces œuvres, la pratique de la traite était interdite aux sujets britanniques depuis 1806 et la Grande-Bretagne avait pris la tête de la lutte contre la traite interdite par les puissances européennes depuis 1815. Un puissant mouvement anti-esclavagiste britannique menait campagne. Il obtint en 1833 l'abolition de l'esclavage dans les colonies anglaises. Il me semble que dans ce contexte, William Clark propose une image très « présentable» des plantations esclavagistes avec une population servile laborieuse, correctement vêtue et des propriétaires vigilants qui contribuent à la prospérité économique de la colonie ... Ces images pourront être confrontées aux récits et témoignages sur les réelles conditions de survie des esclaves des plantation, notamment ceux et celles employés aux travaux des champs.
La gravure montre l'extérieur d'un moulin à vent. Les cannes qui viennent d'être coupées sont apportées par de lourdes charrettes. La première est tirée par un attelage de six bœufs. Des femmes dirigées par un « commandeur » muni d'un fouet portent des gerbes de cannes au moulin pour qu'elles y soient broyées. Cette activité fébrile se déroule sous le regard du maître. La mer et les cocotiers évoquent le cadre insulaire tropical.
André BOUYS (1658-1740), L. R. P. J.-B. Labat , 1732
Ce portrait de Jean-Baptiste Labat le représente en buste, de trois quarts gauche. Il servit à l'illustration du tome I de l'édition posthume du Nouveau Voyage aux Isles d'Amérique (1742).
Source : Regards sur les Antilles Collection Chatillon, RMN, 1999.
William Clark, Esclaves coupant la canne à sucre, Antigua, 1823
Source : William Clark, Ten Views in the Island of Antigua, in Which are Represented the Process of Sugar Making.... From Drawings Made by William Clark, During a Residence of Three Years in the West Indies (London, 1823). (Also published in Ladies' Society for Promoting the Early Education of Negro Children [London, ca. 1833; image shown here is taken from a copy in the John Carter Brown Library at Brown University]
Cette lithographie du peintre britannique William Clark (1803-1883) fait partie d'un ensemble de dix aquatintes consacrées à l'île d'Antigua au début du 19 e siècle. Ami de planteurs, le peintre fut autorisé à mettre en images les différents moments de la culture de la canne à sucre. En 1823, lors de la réalisation de ces œuvres, la pratique de la traite était interdite aux sujets britanniques depuis 1806 et la Grande-Bretagne avait pris la tête de la lutte contre la traite interdite par les puissances européennes depuis 1815. Un puissant mouvement anti-esclavagiste britannique menait campagne. Il obtint en 1833 l'abolition de l'esclavage dans les colonies anglaises. Il me semble que dans ce contexte, William Clark propose une image très « présentable» des plantations esclavagistes avec une population servile laborieuse, correctement vêtue et des propriétaires vigilants qui contribuent à la prospérité économique de la colonie ... Ces images pourront être confrontées aux récits et témoignages sur les réelles conditions de survie des esclaves des plantation, notamment ceux et celles employés aux travaux des champs.
La gravure montre une longue file d'esclaves, hommes et femmes, en train de couper les cannes avec des machettes. Les cannes coupées sont ramassées par des femmes et des enfants pour être chargées sur une charrette. Au premier plan, le maître à cheval donne des ordres au « commandeur ». On voit à l'arrière plan à droite de la gravure un moulin à vent.
La canne, sa culture et la fabrication du sucre.
Outre le travail de lecture, d'écriture et de description d'images (cf. iconographie associée au texte) avec de possibles prolongements interdisciplinaires (arts visuels, géographie, sciences ...) ce dossier documentaire a été conçu pour montrer que la plantation coloniale, « habitation », était une unité économique préindustrielle qui, sous une même direction, réunissait le travail de la terre et la transformation des produits avant la vente aux négociants qui se chargeaient de l'exportation vers les métropoles d'Europe. Au pouvoir économique du planteur s'ajoutait son pouvoir sur la main d'œuvre dont il était le propriétaire.
Les documents étudiés sont :
- R.P. Labat, « La canne, sa culture et la fabrication du sucre ».
- W. Clark, Esclaves coupant la canne à sucre.
- W. Clark, L'extérieur du moulin.
Après avoir fait identifier les trois documents (nature, auteur, date de production), le professeur fera localiser par les élèves les différents lieux évoqués par le texte du Père Labat et par les aquatintes (Antilles, Madère, Brésil, Antigua).
La lecture et la compréhension du texte faciliteront la description des gravures. Les élèves remarqueront le nombre important de travailleurs, la discipline imposée (présence du maître et du « commandeur » armé d'un fouet) et le savoir-faire nécessaire pour la fabrication du sucre et la distillation. Un travail de recherche complémentaire pourra être mené :
- Sur l'organisation d'une « habitation » sucrière esclavagiste et sur le travail des esclaves aux différents moments de la culture et de la transformation de la canne à sucre.Les élèves pourront réaliser le plan d'une « habitation » sucrière avec les espaces consacrées aux cultures, les espaces boisés qui fournissaient la matière première nécessaire pour l'entretien des bâtiments, des outils et des tonneaux, les « savanes » qui permettaient de nourrir le bétail utilisé pour faire tourner un moulin, tirer les charrettes, les bâtiments d'exploitation, la maison du maître et les cases des esclaves
- Sur les autres productions des colonies esclavagistes (café, coton, cacao, indigo).
- Sur le sucre (géographie de sa production, différents types de sucres, botanique, nutrition).
Eric MESNARD
Cycle III, 4e Histoire