Un exemple d'itinéraire de traite au départ de La Rochelle, 1695-1697

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                                      Gravure aquarellée du milieu du XVIIe siècle.

Un exemple d'itinéraire de traite au départ de La Rochelle, 1695-1697


1 - Contexte géopolitique.

Quelles puissances européennes participent à la traite ? Où sont localisés leurs territoires coloniaux ?


2 - L'itinéraire

A l'aide d'un atlas, identifier et reporter sur une carte les étapes du voyage. Indiquer sur un fond de carte l'itinéraire suivi par les bateaux.


3 - Le voyage

Calculer la durée du voyage entre les principales étapes du voyage. Que remarque-t-on ? Quels sont les risques de ce voyage ?


4 - La traite

  • Quels sont les objectifs des différentes escales ? Quels sont les espaces où l'on pratique la traite négrière ? D'où les personnes qui pratiquent la traite négrière sont-elles originaires ?

  • Quelle proportion d'esclaves décède au cours du voyage ?

Aller sur le site qui présente le résultat d'une grande enquête internationale sur les voyages de traite : www.slavevoyages.org

  • Interroger la base de données pour savoir combien de navires français ont fait un voyage de traite entre 1695 et 1697. Combien de navires britanniques pendant la même période ? Que constate-t-on ?

  • D'après la même base de données, quel est le taux de mortalité des esclaves lors de ces expéditions françaises ? Comparer avec le taux de mortalité de ce voyage rochelais ? Que peut-on conclure ?

5 - Travail d'écriture

Rédiger un paragraphe qui relate l'histoire de ce voyage en précisant les principales étapes de l'itinéraire, leur durée, leurs buts et les différents événements qui se sont produits.

 

                                                                                                                                               Marie POLDERMAN

 


 

Histoire 4e, 2nde, lycée professionnel                                                                                          Histoire

Un exemple d'itinéraire de traite au départ de La Rochelle, 1695-1697

Le 3 juin 1695, une flotte de six navires quitte le port de La Rochelle pour un voyage de près de 23 mois dont voici les principales étapes :

De juin 1695 à janvier 1696


Date Lieu Événements
3 juin 1695 La Rochelle  
Juin Cap Finistère ; Salé ; Madère ; Cap Blanc  
3 juillet 1695 Ile de Gorée  
22 juillet 1695 Rivière de Gambie Les Français contraignent les Anglais installés au fort Saint-Jacques à livrer la place
16 août 1695 Départ d'un navir de l'escadre, la Féconde, pour Cayenne 34 esclaves meurent "étouffés", peu avant le départ
24 août 1695 Départ du reste de l'escadre pour le Brésil Faute de produits frais, le nombre de malades est élevé. Il est décidé de se rendre aux îles du Cap Vert.
3 septembre 1695 Vers Gorée Pour cause de vents contraires, l'escadre fait à nouveau escale à Gorée et se ravitaille en viande fraîche et en eau.
15 septembre 1695 Ile de May Ayant quitté Gorée le 15 septembre, l'escadre passe à proximité de l'île de May, puis de l'ïle de Saint Nicolas, avant de faire esclae à Sainte-Lucie, Saint-Vincent et Saint-Antoine
5 octobre 1695 Iles du Cap Vert  
17 novembre 1695 Ile de l'Ascencion "Cette île est à plus de 150 lieues du brésil, elle est petite et escarpée."
4 décembre 1695 Rio de Janeiro  
27 décembre 1695 Ile Grande  
5 janvier 1696 Départ pour le détroit de Magellan Une partie de l'escadre seulement se dirige vers le sud avec l'intention de franchir le détroit

 

De février 1695 à avril 1697

Date Lieu Evénements
Février-mars 1696 La flotte passe à proximité du cap St Ines de las Barreras, du cap Entrana, du Cap Fouvrard, de Baie Famine et de Port Galand  
5 avril 1696 Rio de la Plata  
20 juin 1696 Salvador de Bahia Par suite de vents contraires, halte dans la "baie de tous les saints"
18 juillet 1696 Rio de Janeiro Les deux parties de la flotte se retrouvent à Rio
7 août 1696   "Le 7 août nous fîmes voile pour Cayenne…"
30 août 1696 Cayenne La flotte séjourne un mois dans la colonie. Vente des 40 esclaves survivants.
Fin septembre 1696 Départ pour la Barbade où la flotte arrive le 11 novembre 1696. La flotte rejoint ensuite Sainte-Lucie, capturant au passage un bâtiment anglais.  
13 novembre 1696 La Martinique Le navire La Gloutonne est partie le 12 pour la France quand le reste de l'escadre relâche à Saint-Pierre pour caréner, puis à Sainte-Lucie, pour "faire du bois"
Décembre 1696 Saint-Vincent ; Tobago. A nouveau, prise d'un navire anglais.
Janvier 1697 La Martinique, puis la Guadeloupe. La flotte prend un fret de sucre de canne et de cacao
Février 1697 Départ le 10 février. Le 14, l'escadre passe à proximité de Saint-Thomas  
Avril 1697 Elle double le Cap Finistère, le 19 à proximité du Pertuis d'Antioche et entre dans le port de La Rochelle, le 21 avril 1697  

      Ce voyage nous est connu par le journal par le journal de bord, rédigé, dans sa version manuscrite, par le chevalier de Torcy, et dans sa version éditoriale par le sieur Froger.

Source : D'après le chevalier de Torcy, Journal de bord N 1, fol 1-126, Archives nationales, Fonds marine, 4JJ44
D'après le sieur Froger, Relation du voyage fait en 1695, 1696 et 1697 aux côtes d'Afrique, détroit de Magellan, Brésil, Cayenne et isles des Antilles, Edition de Nicolas Le Gras, Paris 1699, 2e éd. La première édition date de 1697. Un exemplaire est conservé à la Bibliothèque Franconie à Cayenne. Une édition de 1700 est consultable à la Bibiothèque nationale de France, département des Cartes et Plans.

Marie POLDERMAN

 Un exemple d'itinéraire de traite au départ de La Rochelle, 1695-1697  

  Ce tableau réalisé d'après un journal de voyage d'une expédition rochelaise conduite entre 1795 et 1797 permet d'apprécier la manière dont la traite négrière française se met en place progressivement à la fin du XVIIe s. dans un contexte de forte concurrence entre puissances européennes. Il permet de faire saisir aux élèves la durée du voyage, la complexité de la route suivie, la pluralité des motifs de ce voyage et la très forte mortalité des esclaves au cours de cette expédition.

    Ce voyage nous est connu par le journal de bord rédigé, dans sa version manuscrite, par le chevalier de Torcy et dans sa version éditoriale par un certain sieur Froger. Ce manuscrit de 196 pages fait partie d'une série de journaux de bord conservés aux Archives nationales. Un journal de bord est alors avant tout un document administratif que les fonctionnaires du roi sur les vaisseaux de la flotte se doivent de remplir tout au long de leurs voyages : y sont mentionnés les conditions météorologiques, les rencontres plus ou moins belliqueuses d'autres navires, les menus incidents qui émaillent la vie à bord, le descriptif des escales etc.

    Celui-ci, qui décrit un voyage de près de deux ans tout au long du littoral atlantique, de l'Afrique à l'Amérique du sud, est atypique, singulier : loin d'être purement administratif comme le sont tous les autres journaux conservés dans le même fonds, il s'agit d'un récit vivant, personnel, illustré d'une vingtaine de gravures.

    L'auteur ? Le sieur de Torcy dont on ne sait pas grand chose si ce n'est ce qu'il dit de lui-même à la fin de son récit : qu'il est chevalier et garde marine à Rochefort en 1697, c'est à dire après le retour de l'escadre au bercail.

    Ce manuscrit est édité plus ou moins en l'état dès 1698 par un nommé François Froger qui se dit ingénieur du roi sur l'un des vaisseaux de l'escadre, mais dont on ne trouve pas trace sur le manuscrit initial signé du chevalier de Torcy.

    De nombreuses éditions se succèdent à Paris (1699 et 1700), Amsterdam (1699), Lyon (1702), Londres (1745), et sans doute d'autres. De ces éditions, un certain nombre d'exemplaires sont parvenus jusqu'à nous, conservés dans les fonds anciens des bibliothèques, ou encore en vente dans des librairies spécialisées.

     Succès immédiat, ce récit se retrouve dans nombre de bibliothèques privées au XVIIIe siècle. Ce voyage est également mentionné par Jacques François Artur médecin du roi à Cayenne (1736-1771) dans son Histoire des colonies françaises de la Guyane . La correspondance officielle du gouverneur de la Guyane Pierre de Ferrolle confirme les données du journal de bord.

    « Le sieur de Gennes qui a relâché ici pour faire du bois et de l'eau. [...] Monsieur de Gennes a fait vendre ici environ quarante noirs à 500 livres pièces. [...] La plupart des pauvres habitants qui depuis longtemps gardent 3 à 400 livres pour un Nègre n'en sauront avoir à un si haut prix » .

     En 1695, lorsque l'escadre part pour ce voyage de deux ans, la France est en guerre contre l'Angleterre depuis près de sept années. Il s'agit de la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688 - 1697) dont l'enjeu n'est pas uniquement européen, mais concerne également le contrôle des colonies américaines. De nombreuses puissances européennes possèdent des territoires coloniaux.

Métropoles et colonies

 France  Angleterre  Hollande  Espagne  Portugal
 Guyane
Saint Domingue
Guadeloupe
Martinique
Québec
Louisiane
 Amérique du Nord (Est)
Canada
Guyane
Jamaïque
Guyane
Curaçao 
 Amérique centrale
Cuba
Saint Domingue
Amérique du sud
Brésil
Guyane 



    La composition de l'escadre montre qu'il s'agit bien d'un acte de guerre : un vaisseau et deux frégates armées de 104 canons ; une corvette et deux « bâtiments de charge » - des flûtes - également armées de 22 canons. L'objectif commercial n'est, cependant, pas loin ainsi qu'en témoigne la présence de ces dernières.

    La lutte pour le contrôle colonial du continent américain ainsi que pour les lieux de traite du littoral africain est pour une part importante des nombreux conflits européens (40 années de guerre entre 1672 et 1763).

    La prise du fort Saint Jacques dans l'estuaire de la Gambie après deux mois de voyage est très largement décrite dans le récit (ce qui a sans doute contribué aux nombreuses éditions de ce texte pendant tout le XVIIIe siècle) : il s'agit d'un épisode victorieux et dont le bénéfice est souligné comme considérable. Le journal de voyage mentionne également à plusieurs reprises des épisodes de guerre de course contre les Anglais.

   Si la traite n'est pas l'objet principal de ce voyage, elle reste cependant présente en arrière plan. La France commence à entrer dans la traite négrière que la Grande Bretagne a développé dès la seconde moitié du XVIIe siècle, la traite française quant à elle ne prend son essor qu'après 1700 .

    Sur ces trois années 1695-1697, les archives témoignent de 168 voyages de traite négrière transatlantiques dont près de 46% sous drapeau portugais et près de 42% sous drapeau britannique  . La France quant à elle n'en compte que 4 (dont celui de l'escadre étudiée), soit un peu plus de 2%.
Voyages négriers transatlantiques 1695-1697

                                                                                   Voyages négriers transatlantiques 1695-1697

Pays

Nombre de voyages

Taux de mortalité des esclaves « embarqués »
Portugal 77 14.5
Grande Bretagne 70 15.5
Hollande 10 ?
Danemark 7 ?
France 4 49.7
Espagne 0 0
TOTAL 168  



    Le taux de mortalité des esclaves pendant la traversée est plus élevé au XVIIe s. qu'au siècle suivant : de plus de 30% en moyenne, il passe en dessous de 15% au XVIIIe s., tous pays négriers confondus . Les bateaux négriers ne sont pas alors conçus spécifiquement pour le trafic négrier, ce qui augmente encore effroyablement la mortalité des esclaves pendant la traversée.

Si Nantes est dès la fin du XVIIe siècle le principal port négrier français, Bordeaux, La Rochelle, Le Havre, Saint-Malo assurent également une part du trafic négrier. Cependant celui-ci se développe surtout au XVIIIe s. Nantes assure alors 42% de ce trafic, Le Havre 16%, La Rochelle et Bordeaux 13% chacun 7 .

En 1719 la Chambre de Commerce de La Rochelle décide de l'agrandissement du port, favorisant de facto l'essor du commerce avec les îles. Au XVIIIe s., les deux tiers des échanges commerciaux du port concernent la traite des noirs et les cultures coloniales (sucre, café et indigo).

On pourra se reporter à :

    • Jacques-François ARTUR, Histoire des colonies françoises de la Guiane, Texte établi, présenté et annoté par Marie POLDERMAN, Matoury : Ibis rouge, 2002.

    • François FROGER, Relation d'un voyage fait en 1695, 1696 et 1697 aux côtes d'Afrique, Détroit de Magellan, Brésil, Cayenne et les Antilles, par une escadre des vaisseaux du Roi, commandée par M. de Gennes, faite par le sieur Froger, ingénieur volontaire sur le vaisseau le Faucon anglais, Paris, à la Sphère royale et Michel Brunet, 1698.

    • Jean-Michel DEVEAU, La traite rochelaise, Paris, Karthala, 1990

    • Marcel DORIGNY, Bernard GAINOT, Atlas des esclavages, Paris, Autrement, 2006


Marie POLDERMAN