Rousselot de Surgy justifie l'esclavage, 1765
« Au premier coup d'œil, la traite des Nègres offre un tableau révoltant et affreux pour l'humanité. L'idée de faire trafic de ses semblables, comme des bêtes de somme, semble avoir quelque chose de barbare et contre nature. C'est ce qui a porté différents écrivains à déclamer ouvertement contre ce commerce, à le regarder comme illégitime, comme contraire à la religion, et la loi fondamentale de toute la morale ; ne faites à autrui que ce que vous voudriez qu'on vous fît.
[...] Bornons-nous à rapporter ce qui l'occasionne, les services qu'il rend à l'humanité et les avantages qu'en retirent ceux même qui en font l'objet. Toute personne sensée se verra par-là en état de prononcer sur la question de savoir s'il mérite d'être anéanti ou encouragé. [...]
On verra mieux encore, d'après l'examen du caractère moral des Nègres, si réellement ces peuples sont faits pour une condition supérieure à celle où ils sont réduits. [...]
Tous les voyageurs qui les ont fréquentés, tous les écrivains qui en ont parlé, s'accordent à les représenter comme une nation qui a, si l'on peut s'exprimer ainsi, l'âme aussi noire que le corps. Tout sentiment d'honneur et d'humanité est inconnu à ces barbares : nulles idées, nulles connaissances qui appartiennent à des hommes. S'ils n'avaient le don de la parole, ils n'auraient de l'homme, que la forme. Ils professent des arts mécaniques qu'ils ont appris de leurs pères. C'est le castor qui est maçon. Seul, il ne sait rien faire : en société, ses ouvrages méritent l'admiration. Point de raisonnement dans les Nègres, point d'esprit, point d'aptitude à aucune sorte d'étude abstraite. Une intelligence qui semble au-dessous de celle qu'on a admiré dans l'éléphant, est le guide unique de toutes leurs actions ; l'intérêt de leur conservation, de leurs plaisirs, est le seul mobile de tous leurs mouvements. Lui seul les tient éveillés ; lui seul les porte au travail, et leur fait vaincre l'extrême paresse à laquelle ils sont sujets. Livrés à leurs passions comme des brutes, ils ne connaissent que la jouissance. Leur attachement à leurs enfants, à leur famille, ne dure qu'autant que dans les bêtes, jusqu'à ce que leurs petits puissent se passer d'eux. La force seule peut les contenir dans le devoir, et la crainte est le seul motif qui les fasse agir ; ils n'ont réellement point de cœur, et par conséquent le germe des vertus leur manque. La brutalité, la cruauté, l'ingratitude, voilà ce qui forme leur caractère. Leur naturel est pervers ; toutes leurs inclinations sont vicieuses. Depuis le premier Roi Nègre jusqu'au dernier esclave, il n'en est pas un seul qui ne se plaise à voler, et qui ait la force de s'en abstenir dans l'occasion ; pas un seul, qui, dans l'excès de sa passion pour l'eau-de-vie, ne vendît sa femme et ses enfants pour en acheter. On serait tenté de croire, d'après ce portrait, que les Nègres forment une race de créatures qui est la gradation par laquelle la nature semble monter, des Orang-Outangs, des Pongos, à l'homme. »
Source : Jacques-Philibert ROUSSELOT DE SURGY, Mélanges intéressants et curieux ou Abrégé d'histoire naturelle, morale, civile et politique de l'Asie, l'Afrique, l'Amérique et des terres polaires, vol X, Paris : Durand, Panckoucke, 1765, p. 160-167